samedi 25 janvier 2014

Pendant ce temps, à Labyrunthes... 21, nouveautés romans

Bonsoir,
Le mois de janvier est désormais bien avancé, la période des fêtes de fin d’année s’éloigne, et comme chaque année les parutions de « nouveautés », notamment en romans, ont repris à vive allure. Il se publiera dans les deux premiers mois de 2014 plus de 500 romans inédits… qui viendront chasser des librairies la majeure partie des titres publiés lors de la fameuse « rentrée littéraire » de septembre (il y en eut près de 550 en 2013…). Donc les libraires, du moins ceux qui lisent certains des livres qu’ils proposent à la vente, sont submergés et tentent (désespérément) d’explorer tout ça et de repérer les pépites cachées dans le torrent (chercheur d’or ? un métier qui oblige à manipuler deux tonnes de rochers sans grand intérêt pour récolter cent grammes de matière précieuse…). Même si toute l’équipe de Labyrinthes continue (et continuera encore pendant plusieurs mois) de vous recommander un grand nombre de romans publiés à l’automne dernier et qu’il ne faut pas oublier (c’était une très bonne rentrée littéraire), nous attirons déjà votre attention sur une poignée de nouveautés dont la lecture récente nous a marqué (n’hésitez pas à nous les demander !).
Dona Tartt publie un roman tout les dix ans. Certains lecteurs se souviennent du choc et du plaisir que procura Le Maître des illusions. Avec Le Chardonneret, qui vient de paraître, vous découvrirez une de ces très grandes histoires « d’apprentissage de vie », comme on rêve d’en avoir en permanence. Le jeune homme en train de grandir et de se construire dont on suivra le parcours perd sa mère dans un attentat qui touche un musée ; il s’enfuit avec une toile de maître – unique – qui donne le titre du livre (un peintre contemporain de Rembrandt la fit), et passera par d’innombrables péripéties et réflexions… La langue est somptueuse, fluide (très bien traduite), la structure narrative enchante, tout est réussi et « parfait ». Un grand moment de lecture romanesque.
Nous avions découvert Howard Jacobson, l’un des grands auteurs anglais contemporains, avec La Question Finkler (Booker Prize 2010) il y a maintenant deux ans et demi. La publication de son dernier roman en date, La Grande ménagerie, vient confirmer son extraordinaire sens de l’humour, en mettant en scène un écrivain écartelé entre l’amour qu’il porte à sa femme et l’attirance qu’il éprouve pour sa belle mère. Nous sommes à la fois dans la critique de mœurs, la réflexion sur le temps, le mélange entre le bouffon et le métaphysique, c’est drôle, enlevé, réjouissant, et la forme de « légèreté » de ce roman grave par bien des aspects permet au lecteur de se réjouir (voire de souvent même rire des péripéties). C’est suffisamment rare dans le romanesque d’aujourd’hui pour ne pas rater cette occasion.
Le nouveau roman d’Hubert Haddad, écrivain dont nous affectionnons à Labyrinthes et la qualité d’écriture et la variation permanente de ses thèmes romanesques, se consacre à explorer l’histoire des sœurs Fox. On l’a oublié (ou bien on le savait pas vraiment), mais le spiritisme (tables tournantes, tablettes ouija, communication médiumnique avec les chers disparus, frissons…) qui irrigua l’imaginaire européen des débuts du XXème siècle prend sa source dans le milieu du XIXème siècle aux Etats-Unis. Haddad réécrit l’histoire incroyable des petites filles qui furent à la source de tout ça, et ce roman intitulé Théorie de la vilaine petite fille plonge le lecteur dans une histoire qui s’avère au final être aussi celle de l’évolution de la pensée et des positions américaines quant à la foi et aux fantômes. Toujours aussi somptueusement écrit (Haddad est l’un des plus grands stylistes de la prose contemporaine, comme l’a montré de nouveau en 2013 Le peintre d’éventail), ce roman abondamment nourri de relations avec les mouvements de l’histoire, entraîne dans des territoires inconnus.
Dans les parutions récentes on trouve aussi, en parallèle d’écrivains déjà forts d’une œuvre construite et d’une « réputation » bien établie, de nombreuses découvertes à faire en matière de « nouvelles voix ». Il s’agit d’écrivains des générations plus récentes, qui livre après livre (parfois dès le premier) s’installe dans le paysage (de demain). C’est définitivement désormais le cas pour Maylis de Kerangal. Nous avions été frappé par Corniche Kennedy (2008), cela s’était amplifié avec Naissance d’un pont (2010, Prix Medicis), et son nouveau roman Réparer les vivants vient confirmer s’il était besoin son immense talent. En décrivant dans une grande unité de temps et du point de vue de protagonistes multiples une transplantation cardiaque, elle poursuit son travail sur la langue, avec une tenue et un souffle qui impressionnent. Eblouissant.
Bien moins connu, et c’est dommage, Stéphane Fière publie son quatrième roman, Une chinoise ordinaire. Là aussi, à travers une histoire passionnante (et iconoclaste, et rigolote aussi), celle d’une jeune chinoise contemporaine qui vend ses charmes sans scrupules (et qui en parle avec une crudité réjouissante et une insouciance de façade), le travail sur l’écriture est remarquable. Traité en partie comme une sorte de journal parlé ou raconté, fait de longues périodes tour à tour drôles, cruelles, choquantes, sensibles, méditatives même, la langue mise en œuvre fait en quelque sorte écho à toutes les ambivalences de la Chine moderne et de la jeunesse moderne. C’est le roman idéal pour découvrir cette nouvelle voix de la littérature française, dont nous sommes persuadés qu’elle va compter de plus en plus dans les prochaines années.
Avec Le festin de John Saturnal, l’écrivain anglais Lawrence Norfolk bâtit de nouveau une intrigue complexe, sur fond historique de guerre civile à l’époque de Cromwell. Langue au vocabulaire recherché, personnages emplis de grands sentiments et de grandes espérances, intrigue complexe mélangeant deux lignes narratives principales (le rapport à la cuisine comme art de concevoir un « festin des sens », les rapports de l’amour et de l’obligation imposée par le destin ou les engagements symboliques), ce grand roman se dévore avec volupté. Il faut passer les quarante premières pages pour se plonger dedans et s’engouffrer dans la cuisine : on ne le regrettera pas.
Un nouveau texte de Sylvain Tesson est toujours est événement, tant cet écrivain de la race des voyageurs et des aventuriers a su, au fil des années, placer et développer une écriture qui - sans en avoir l’air - fait toujours mouche (et finesse, les jurés du Goncourt ne s’y étaient pas tromper en lui attribuant le Goncourt de la Nouvelle en 2009, précédant de deux ans ceux du Médicis qui primèrent le célèbre Dans les forêts de Sibérie). Le recueil S’abandonner à vivre prouve une fois encore l’étendue de son talent, en mettant en scène des personnages qui luttent et se démènent ; recommandé pour tout le monde, à cause de l’optimisme, et spécialement pour ceux qui aiment les textes courts, les histoires percutantes, la force de la vie qui va…
Nous suivons avec bonheur et intérêt tous les romans de Ron Rash depuis 2009 qu’il est traduit en français. La parution en ce début d’année de son dernier en date, Une terre d’ombre, vient confirmer tout le bien littéraire qu’on en pense : tragique histoire d’amour et de mort dans un coin paumé, juste en fin de guerre de 14-18, au milieu d’une population intolérante, xénophobe et violemment bornée comme seule pouvait en produire cette époque au sein des « patriotiques » Etats-Unis, ce roman est une merveille. On pense à Jim Harrison, mais aussi à Steinbeck, on s’émerveille et l’on pressent dans le drame qui vient, même lorsque la nature environnante (ou la musique, qui tient une place importante)  semblent évoquer l’innocence et le Jardin d’Eden. Un de ces très grands romans « américains » que l’on n’oublie pas.
Enfin, américain aussi, Les Douze tribus d’Hattie, premier roman stupéfiant d’Ayana Mathis. Impossible de faire sentir en quelques phrases le souffle et la puissance de ce puzzle romanesque qui met en scène le parcours d’Hattie et de ses nombreux enfants, à travers plus de cinquante ans de l’histoire de l’Amérique. Quelle histoire en fait ? Celle des filles et fils d’Hattie, marqués par leur histoire familiale, mais celle aussi des noirs, de la ségrégation, du regard des autres, de l’écart des générations, celle du Nord qui paraît terre de liberté quand on vient du Sud. Mais aussi l’histoire de l’Amérique qui se construit une identité propre, des années 50 aux années 90… Des centaines d’histoire sous-jacentes, à partir de ce qui ressemble au portrait morcelé d’une mère qui avait quinze ans en 1923 quand elle arriva dans le Nord, et qui parle en fait du parcours de tout un peuple, de tant de vies. Ayana Mathis était ces derniers jours en France, on a pu l’entendre, on a pu aussi voir à quel point tous les médias la rapprochent et la comparent à Toni Morrison. C’est justifié.

Bien d’autres titres (et bien d’autres très bons romans) vous attendent lors de votre prochain passage à Labyrinthes. Vous pourrez aussi en profiter pour découvrir notre Sélection thématique : cette année nous vous invitons à une ballade à travers la littérature irlandaise. Nous avons préparé pour l’occasion un dossier proposant pas mal de pistes de lecture dans tous les genres, qui vous sera remis sur simple demande (si vous passez à la librairie), ou que vous pouvez nous demander par mail (envoi en format pdf). N’hésitez pas !
Bien cordialement
A très bientôt chez Labyrinthes
L’équipe de Labyrinthes


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